« On s’est bien donné, on va boire un petit coup ? » – « c’est la fin de la tournée, ce soir ça va être n’importe quoi » – « allez, on va oublier cette date de m**** »
Pourquoi l’alcool est-il indissociable de la vie des travailleurs du spectacle vivant ? Alors même que la France n’est plus championne du monde en la matière (11,7L d’alcool pur par an contre 18L en 1960), le constat dans nos milieux est loin d’aller dans ce sens. Car c’est la consommation quotidienne qui a évoluée chez les français : disparaissent doucement les cafés-calvas, demis de rouge le midi (toujours dans les conventions collectives du cinéma), ou autres eaux de vie aux multiples bienfaits allant de la bonne digestion à la cécité. En revanche, nous avons tendance à nous uniformiser autour d’un système anglo-saxon, privilégiant des consommations d’alcool festives, moins fréquentes mais plus importantes. Et ce système nous convient bien, travailleurs nocturnes dans des lieux accrédités à la vente de boisson, dans des contextes ou l’ébriété est majoritairement acceptée.
Où est le problème ? Il n’y en a pas. Même si l’alcool tue chaque année trente mille hommes et onze mille femmes, qu’il peut facilement conduire vers d’autres drogues plus nocives ou simplement perturber le travail collectif, nous nous questionnons uniquement sur le systématisme de cette consommation, et donc l’addiction potentielle à la boisson (définition de l’alcoolisme) Plusieurs hypothèses : l’éthanol agissant sur certains récepteurs du cerveau pour diminuer le stress, il est normal que celui-ci en demande après chaque expérience stressante (c’est l’effet cigarette après l’amour). Ensuite, dans un milieu où les codes peuvent être rudes (tous les porteurs de queue de pie comprendront), les comportements induits par l’ébriété peuvent être exutoires. C’est ce que peut montrer l’article « The effects of alcohol and anger on interest violence, erotica and deviance » (W.H. George, G.A. Marlatt). Mais alors que ce même article indique que la montée de confiance en soi n’implique aucune améliorations des performances, et que les déviances comportementales ont lieu même en cas d’ingestion de placebo (qui sent beaucoup le gin tonic, soit) , nous devons prendre du recul sur toute consommation de psychotropes. Si l’alcoolisme est plus accepté chez l’artiste ou le penseur (j’exclus malheureusement encore l’écriture inclusive), comme pouvait l’indiquer Deleuze et sa rhétorique du dernier verre, cet alcoolisme intervient chez nous dans un contexte où le stress est déjà tombé, ou les codes de notre société s’effondrent, et ou les rencontres se font plus facilement que dans le reste du monde. Alors, à quoi bon se rendre dépendant à cette substance ?
Et si vous n’êtes pas d’accord, on en discute autour d’un verre, la prochaine c’est pour moi.