Sainte-Roselyne et le toucher des écrouelles

Du temps de la monarchie, le nouveau Roi de France fraîchement sacré à Reims se devait, à la sortie de la cathédrale, d’aller toucher quelques scrofuleux, car l’onction sacrée venait de faire de lui un guérisseur exemplaire !

Par temps de covid, et à l’heure où tous les lieux d’art et de culture restent désespérément fermés, on pouvait espérer que la présence au Conservatoire de Roselyne Bachelot, ministre de la culture apparue cet été rue de Valois telle la Vierge à la grotte de Lourdes, signifierait rédemption et guérison pour les dangereux pestiférés que nous sommes à vouloir rouvrir les lieux de cul’ … euh non, contamination. Que nenni ! Il s’agissait en vérité d’une visite de charité d’une dame patronnesse venue s’encanailler aux confins du nord de Paris.

La visite a commencé par un petit tour à la médiathèque du Conservatoire où, 8 mars et Journée Internationale des Droits des Femmes oblige, la commission pour nommer de nouveaux espaces, et donc faire apparaître les femmes au conservatoire, présentait à la ministre le fruit de ses travaux.

Après s’être penchée sur quelques manuscrits de Nadia et Lili Boulanger, et avoir partagé ses souvenirs, « Lili, j’y suis très attachée, car dans ma jeunesse j’ai chanté ses œuvres sous la direction de Nadia ! » (Qu’il ne soit pas dit que la ministre ne s’y connaît pas »), madame Bachelot s’assied et la réunion peut commencer. On parle, on explique, elle écoute poliment, acquiesce très poliment (la ministre est très polie, on peut bien le lui accorder, d’ailleurs c’est bien la seule chose), cite Dante dans une belle traduction versifiée (les décisions et l’action on ne sait pas trop si elle connaît, mais de la Culture ça, elle en a à revendre), puis déclare que la question des violences sexuelles et sexistes la préoccupe au plus haut point, à tel point d’ailleurs qu’elle demande toujours à ses ami·e·s quelle est leur compositrice préférée… (Clara Zetkin et Simone de Beauvoir peuvent dormir tranquilles, la relève est assurée !!) Puis d’ajouter « Mais vous croyez que toute cette violence qui fait surface c’est le fait d’une société devenue plus permissive ou bien que ça se manifestait autrement avant ? ».

Rendu à de telles âneries, ça bouillonne sévèrement à l’intérieur tant l’implicite est insupportable : le sexisme, les agressions et viols ne seraient donc que des inventions d’un XXIème siècle vautré dans la dépravation libidinale à cause d’idéologies libertaires ? Bref, la faute à Mai 68 ?! Heureusement, une éminente membre de la commission convoquée ce jour n’hésite pas à répondre aux élucubrations de la ministre. En quelques mots la question des violences sexistes et sexuelles est historicisée et contextualisée dans une perspective de lutte pour l’égalité des droits.

On souffle tout en gardant un goût amer en bouche.

Non seulement une ministre de la culture exprime publiquement une vision rétrograde du monde, mais encore elle affiche son ignorance et son mépris de toutes les personnes qui travaillent sérieusement ces questions, qu’elles soient universitaires ou militant·e·s… après, pour tout ministre, ce qui compte c’est le vernis de culture, transparent ça fait plus chic !

Après quelques hochements de tête convenus, on poursuit la visite avec la classe de direction d’orchestre en session avec l’OLC… Voir l’article sur les Cheffes !

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