Il y a un peu plus d’un an, des affiches décriant la victoire du réalisateur Roman Polanski furent arrachées dans les couloirs du CNSMDP et d’Arpej. Le débat numérique qui s’en suivit ne laissa pas tout le monde indemne.
Même si la cérémonie 2021 ne fit pas autant polémique (et heureusement), dix députés L.R. ont déposé un recours pour « exhibition sexuelle » à l’encontre de l’actrice Corinne Masiero, tour à tour déguisée en véritable « Peau d’Âne », puis nue et ensanglantée sur la scène de l’Olympia, devant un parterre d’une centaine de personnes triées sur le volet, et en direct sur la maintenant très puritaine chaîne Canal+.
Le débat sur le nu ayant déjà été abordé dans le numéro trois de la crécelle, nous avons voulu prolonger cette réflexion à la lumière de ce récent événement.
Corinne Masiero est tout d’abord militante. A la suite de son action, elle s’est empressée de rejoindre ses camarades au théâtre Sebastopol de Lille, occupé pour défendre nos professions mises à mal par l’arrêt du spectacle vivant ainsi que la récente réforme de l’assurance chômage. Et même si Roselyne Bachelot a déploré « une piètre image de la France à l’étranger », la performance a été retentissante, et l’actrice a reçu des soutiens du monde entier. Efficace donc. Mais vraiment choquant ? Pour qui ? Pourquoi ?
Sébastien Thierry aux Molières 2015 n’en faisait pourtant pas moins. Même si certaines revendications (réforme de l’assurance chômage) ou formes verbales (références aux costumier·e·s) étaient similaires, la provocation était tout autre. Arborant son corps impeccable dès son entrée, l’auteur ne cesse les va et viens comiques à son pupitre jusqu’à aller dans le public (toujours en tenue d’Adam) pour interroger Fleur Pèlerin, ministre de la culture, hilare. On se rend compte, On se rend compte, en réécoutant ses blagues sexistes en prime time, que les esprits ont tous évolué.
Tous ? C’était sans compter un îlot de dix réactionnaires du groupe « Oser la France » qui trouvent que se dénuder publiquement en 2021 est une exhibition sexuelle.
Trop osée, cette France d’en-bas ?
Le discours de ces quelques parlementaires, même s’il contribue à banaliser des propos d’extrême droite tout en prônant le « on ne peut plus rien dire » (paradoxal, il va sans dire) n’a pas l’air d’ébranler l’actrice. Au contraire, ces réactions contribuent au retentissement de « l’affaire ».
Mais si l’on se rend compte qu’il est encore risqué de lutter avec son corps de femme dans le pays refuge administratif des Femen, le problème est aussi d’ordre social.
Contrairement à Sébastien Thierry, Corinne Masiero « fait populaire ». Habituée de la télé ou du théâtre de rue, avec son accent du nord et son corps vierge de toute opération de chirurgie esthétique, elle fait tâche (avec ses tampons) devant les grands pontes du milieu, sur une chaîne détenue par Vincent Bolloré.
Et ça, ça donne envie de citer Virginie Despentes :
« Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, les exactions de votre police, les césars, votre réforme des retraites. »
Ce texte lui aussi a un an. Tribune étincelante en hommage à Adèle Haenel : « Maintenant on se lève et on se barre » prend la forme d’une convergence des luttes. Et si l’amalgame de tous les oppresseurs a pu agacer, il ne nous a pas ôté la rage de lutter, soyez en sûr.e.s.
P.S. : Le printemps arrive, l’occasion de rappeler que nous disposons toustes de notre corps pour créer, lutter, ou les deux.
La Crécelle 