C’est fou comme à chaque fois que nos dirigeants politiques parlent de sécurité, on se sent toujours un peu plus en danger. Le 15 avril dernier, le couperet est tombé et la loi « sécurité globale » a été adoptée. De nombreuses manifestations s’étaient tenues dans l’hiver. Nous y étions avec nos crécelles crépitantes, entre les collectifs de gilets jaunes mutilés, les familles de victimes des violences policières, les journalistes aussi, de droite et de gauche, et puis comme nous d’autres étudiant·es, travailleur·ses, précaires, syndicalistes, …
On a beaucoup parlé de l’interdiction de filmer des policiers en exercice, et pour cause : quand on sait le rôle qu’ont joué les vidéos dans la dénonciation des violences policières, on comprend que le gouvernement entendait réclamer purement et simplement l’impunité des forces de son ordre. Alors ce n’est plus écrit comme ça dans la loi. Ce qu’ils ont fait à la place, c’est inscrire un nouveau délit au code pénal, celui de « provocation [dans le sens d’inciter, d’appeler] à l’identification ». Évidemment c’est flou, et c’est fait pour… Mais on comprend bien que le but demeure de dissuader tous les témoins de violences policières de sortir leur téléphone pour filmer. Car ce sera au juge de décider si c’était ou non une « provocation à l’identification ».
Mais la loi contient d’autres sujets de réjouissance : généralisation de l’utilisation des drones pour filmer, y compris de manière « préventive » (!) ; l’accès de la police et de la justice aux caméras de vidéosurveillance et aux caméras-piétons est largement élargi aussi : c’est la légalisation d’un véritable dispositif de surveillance généralisée qui a été votée de 15 avril.
Les pouvoirs de la police municipale sont aussi renforcés et, cerise sur le gâteau, désormais : « Le fait pour un fonctionnaire de la police nationale ou un militaire de la gendarmerie nationale de porter son arme hors service ne peut lui être opposé lors de l’accès à un établissement recevant du public » (article 25). Ah ben avec ça on a hâte que les musées rouvrent !
Mais tout cela ne risque-t-il pas faire augmenter les risques de violence (souvent légitime) contre les forces de l’ordre ? Et bien la loi a tout prévu : les réductions de peine sont désormais interdites à quiconque est condamné pour violence contre les forces de l’ordre. La boucle est bouclée.
Est-ce que vous y croyez, vous, à la fin du trafic de drogue grâce aux drones ? Est-ce que vous pensez que les violences faites aux femmes (on rappelle que dans 90 % des viols par exemple, la victime connaît son agresseur et que moins de 10 % des viols sont commis dans un espace public) vont diminuer parce que les flics seront mieux armés ? Plus les services publics et collectifs (soutiens psychologiques, travail de terrain, éducation nationale, aides sociales, …) sont attaqués et plus le vide créé est comblé par la folie et la criminalité. Mais est-ce que cette insécurité-là, les forces de l’ordre peuvent la combattre ? Et est-ce vraiment un ordre que cette société où règne l’insécurité sociale et écologique, où la violence est omniprésente, et où les rapports humains sont sans cesse dégradés ? Et puis c’est quoi au juste, cet ordre si inhumain qu’il a besoin de tant de forces pour le maintenir ?
Si jamais vous vous sentez en danger en rentrant chez vous : levez les yeux, le préfet Lallement vous surveille peut-être à travers un drone. Ça va tout de suite mieux, n’est-ce pas ?