Suite à la manifestation du secteur de la culture le 4 mars à République et après des mois de tentatives pour se faire entendre et alerter sur la précarité grandissante des artistes, étudiant·es et intermittent·es, le Théâtre de l’Odéon est envahi par des militant·es (notamment de la CGT Spectacle). Ils et elles revendiquent la réappropriation de ce lieu public, qui avait déjà été occupé en mai 68, en 1996 et 2016. S’ensuit une vague inédite d’occupation des Théâtres Nationaux (La Colline, le Théâtre National de Strasbourg) mais aussi de l’Opéra de Lyon, du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers… Actuellement, une centaine de lieux culturels sont concernés.
Après plusieurs Assemblées Générales à la Chapelle, des étudiantes et étudiants du CNSMDP ont décidé de suivre le mouvement afin de soutenir le combat mené par ces militantes et militants de la culture et leurs revendications. Depuis le 20 mars, tous les dimanches place de la Villette, devant la fontaine aux Lions se tiennent donc des Agoras.
Le mouvement d’occupation exige d’abord la réouverture des lieux de culture, mais pas à n’importe quel prix. Ce qui est demandé, c’est surtout un plan d’investissement massif pour la relance du secteur culturel. Pas de réouverture sans droits sociaux. Et une nouvelle année blanche. Au 31 août 2021, combien d’intermittent.e.s n’auront pas fait les 507 heures fatidiques qui ouvrent l’accès à une indemnité chômage ? Est aussi demandé l’abaissement du seuil d’entrée dans l’intermittence : combien de nouveaux entrant·e·s, récemment sortis d’école ou non, combien de moins jeunes en accident de carrière se retrouvent aujourd’hui sans rien ? Mais une revendication encore plus essentielle que toutes celles-là s’est rapidement imposée : l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage dont l’application est prévue au 1er juillet.
Comment, en pleine période de crise économique, alors que les entreprises détruisent des dizaines de milliers d’emplois, le gouvernement ose-t-il maintenir ce projet de faire plus d’un milliard d’économies par an sur le dos des précaires ? Et comment nous, intermittents ou futurs intermittents du spectacle, ne pas nous sentir solidaires de ces autres intermittents de l’emploi ? Quand tous les droits des chômeurs auront été démantelés, comment nous, les intermittents, serions-nous légitimes à continuer de réclamer les nôtres ?
Entre les morceaux, performances et spectacles en tout genre se glissent des prises de parole dont vous trouverez quelques exemples dans ce journal. Avec ces Agoras, le but est aussi de donner la parole aux habitants et militants du quartier, de permettre à tous de se retrouver. Et à l’art vivant de retrouver cette fonction politique essentielle : rassembler. Rassembler non plus derrière le drapeau moralisateur de la République Française qui nous envoie, missionnaires de la paix sociale, prêcher pour « La Culture » en banlieue ou dans les prisons ; mais rassembler derrière celui du mouvement social, celui de la lutte pour une société plus belle, où le rêve et l’utopie auraient encore toute leur place. Rassembler derrière la solidarité de toutes celles et ceux qui résistent et relèvent la tête. Et puis danser. Et puis rire. Et puis chanter. Parler. Rencontrer des gens.
Alors venez avec nous et vous verrez que les gestes barrières – que nous respectons scrupuleusement – n’empêchent pas les rencontres, la joie et la lutte !