En juillet dernier la direction du département danse a pris une décision scandaleuse en mettant brutalement un terme à la scolarité de cinq élèves de la promo 2020 en pleine crise sanitaire et économique.
L’ensemble des élèves de 3ème année de licence en danse – qui ont passé la moitié de leur dernière année à suivre, malgré le confinement, les cours depuis chez eux – ont obtenu fin juin leur diplôme avec des mentions Bien ou Très Bien. Ils et elles l’ont obtenu au regard des notes de contrôle continu et après avoir défendu devant un jury de chorégraphes et professionnels du monde de la danse un projet de composition en vidéo agrémenté d’un dossier. Bravo à eux ! Mais le confinement, les cours de danse dans 16m² ou sur des terrasses, et la réalisation d’une vidéo en lieu et place de leur certificat d’interprétation n’étaient pas une épreuve suffisante selon la direction. Cette dernière a donc décidé de mettre en place, pour la première fois cette année, une audition à laquelle tous les lauréats ont dû prendre part pour espérer intégrer le Master. Dorénavant on peut avoir réussi sa licence avec brio, mais si on ne plaît pas au département, le Master n’est pas pour nous… La crise sanitaire ayant frappé, la communication autour de l’organisation de l’audition n’était évidemment pas une priorité et les élèves se sont retrouvés à quémander des informations sur leur sort. C’est à ce moment que le dessein de la direction a commencé à prendre forme : l’audition étant ouverte à tous, les étudiants ont appris qu’ils devaient filmer et envoyer une vidéo de danse, pour attester de leur niveau, ainsi qu’une lettre de motivation. Ils ont ensuite passé un entretien sur Zoom, devant un jury interne au conservatoire, qui comptait même Emilie Delorme, déterminant finalement les heureux admis en Master. On pouvait raisonnablement croire, au regard du contexte et des usages, qu’il ne s’agissait que d’une formalité de la continuité pédagogique. Nous apprendrons finalement début juillet que cinq élèves sur quatorze ne sont pas admis, qu’ils peuvent prendre leurs affaires et rester chez eux. Il est vrai que grâce à la prolongation exceptionnelle de scolarité, négociée par la représentation étudiante, les remerciés ne seront livrés à eux-même qu’en décembre. Nous applaudissons la clémence de la direction. (Non).
Vous vous dites peut-être : « les pauvres, c’est vrai c’est pas cool, mais bon c’est normal, si y’a pas beaucoup de places ». Et vous auriez sûrement raison. Mais vous voulez savoir le plus drôle ? Cette année en Master il y a… Dix-sept étudiants, soit trois places de plus que le nombre de postulants du conservatoire ! Ah mais alors, pourquoi ne pas avoir pris tout le monde ? Parce que la direction du département a décidé que cette année il fallait ouvrir cette audition à l’extérieur pour se nourrir de tous les jeunes talents potentiels pour leur Ensemble Chorégraphique. Nous n’avons aucun problème avec l’idée d’ouvrir l’entrée en Master aux danseurs venant d’autres écoles. Le faire au détriment des élèves du conservatoire est néanmoins questionnable, surtout avec des méthodes de sélection si arbitraires. Le plus cynique est de décider de mettre en œuvre cette réforme au milieu de la crise du Coronavirus et sans avoir communiqué sur la volonté de la direction. Un tel choix revient tout simplement à sacrifier une génération dans un moment précaire où le travail n’est pas des plus abondants. Toutes les auditions pour les autres formations étant passées au moment de l’annonce des résultats, ces cinq étudiants n’ont aucun plan B et se retrouvent sans structure pour les accueillir.
Il est intéressant de remarquer qu’au sein du conservatoire, les conditions d’accès au Master peuvent être disparates selon les départements. Ce qui est commun cependant, c’est qu’un étudiant ayant obtenu à la licence une mention Bien ou supérieure se voit accorder l’accès au Master de manière automatique. Dans le département de composition, où le concours d’entrée en Master est ouvert aux candidatures qui viennent de l’extérieur, les lauréats de la licence rentrent tous en Master même avec une mention Assez Bien, et cela n’empêche pas d’accepter des étudiants venus d’ailleurs.
Il faut aussi savoir que la direction des études chorégraphiques, prenant conscience des difficultés liées au confinement, s’est engagée en mai à ce qu’à l’issue de l’année scolaire aucun élève du 1er cycle ne soit renvoyé. Chaque année le département danse renvoie certains de ses élèves entre deux années de licence, sans raisons de discipline. Mais cette année, pour une fois, à temps exceptionnels, mesures exceptionnelles. La direction était-elle embarrassée par un engagement si humaniste, au point d’honorer l’habitude de renvois par une sélection drastique à l’entrée en Master ? Le plus déconcertant, c’est que Cédric Andrieux, le directeur des études chorégraphiques depuis deux ans, n’a de cesse de faire entendre que la formation du conservatoire n’est pas en 4 ans mais bien en 6, que le second cycle fait partie intégrante du cursus et qu’il est essentiel à l’épanouissement artistique et technique des danseurs et danseuses.
Son objectif, louable, était de rendre le second cycle plus attractif pour les étudiants afin de constituer un Ensemble Chorégraphique fonctionnel et dont le conservatoire pourrait faire sa vitrine. Ce qu’il faut lire entre les lignes, c’est qu’il ne voulait pas nous laisser passer des auditions pour des compagnies professionnelles pendant la dernière année de licence et ce afin qu’on ne rate pas de cours et que les danseurs prometteurs ne quittent pas la maison. Mais alors si le cursus se fait en six ans et pas en quatre, pourquoi renvoyer des étudiants suffisamment bons et travailleurs pour obtenir mention Bien à leur licence en ne les laissant pas terminer leur formation ? Malheureusement il semblerait qu’il ne puisse plus y avoir de recours possible maintenant. La situation est détestable.
Nous souhaitons aux étudiants tous nos vœux de réussite malgré l’adversité, qu’ils profitent de la soirée du 5 décembre où un baroud d’honneur leur est accordé pour montrer de quelle trempe ils sont faits. Et nous disons une bonne fois pour toute qu’une direction qui se soucie aussi peu des humains qu’elle forme n’est pas une direction en laquelle on peut avoir confiance.