Témoignages anonymes
« D’habitude motivée et indépendante dans mon travail, j’ai du mal à trouver l’envie de jouer… Je me sens seule avec mon instrument monodique, qui est voué la plupart du temps à la musique d’ensemble. »
« Aujourd’hui, l’administration du département m’a proposé de continuer un stage de didactique en conservatoire par Zoom dans un brillant trio entre le tuteur, l’élève et moi… pédagogie de misère ou misère de la pédagogie ? »
« Il serait temps durant ce confinement de revoir notre rapport au temps, à la création, à la productivité. De ne pas nous mettre à l’écart des décisions qui nous concernent. D’enfin éveiller nos consciences d’artistes pour réfléchir au monde artistique dans lequel nous voulons travailler, créer, interpréter et évoluer. »
« J’espère que de celui-ci [le confinement] naîtra quelque chose de plus beau et de plus juste, en attendant, j’aimerais avoir le temps de le vivre, et que le conservatoire me laisse un peu plus ce moment brutal et poétique à la fois. »
« Qu’est-ce que c’est que de faire de grandes études, d’avoir un beau diplôme, à côté de la santé et de la vie de millions de gens ? »
« Heureusement que certains profs nous encouragent, nous soutiennent et sont compréhensifs et patients »
« Je viens de finir mes études au conservatoire, et le secteur étant entré dans une crise qui nous impactera pour plusieurs années, je ne vais pas pouvoir exercer mon métier et songe à une reconversion pour subsister… Cela me rend un peu triste. »
« J’ai l’impression de me dédoubler et de me contempler en train de plancher sur des devoirs qui ne m’intéressent pas, et de vivre cette aberration comme un véritable deuil. Deuil de mon innocence, deuil de ce voile que je ne pourrai plus mettre sur les crises en cours et à venir, deuil de l’art tel que je l’ai vécu et dans lequel je ne pourrai plus me reconnaître. »
« Le confinement n’a pas que du négatif, parce qu’il permet de prendre du recul sur notre vie : qu’est-ce qui me manque ? Et plus important encore : de quoi pensais-je avoir besoin, et dont je me rends compte que je ne manque pas ? Nous vivons dans un univers riche de culture, mais aussi dans une constante demande de présenter un travail abouti, nous avons des vies personnelles régies par une forte pression sociale, dans une ville où nous sommes bousculé·e·s matin et soir, (…) et quand ce tourbillon s’arrête, sommes-nous prêt·e·s à nous arrêter nous-même et nous poser cette question : est-ce que tout ce que je fais a un sens ? »
« Quand un.e professeur.e reconnaît ses propres difficultés personnelles dans la situation de confinement, c’est le renversement du rapport pédagogique : non plus un sachant et un ignorant mais deux personnes qui échangent enfin à égalité. »
« Cette angoisse constante […] est d’autant plus difficile à vivre quand on a la sensation d’être totalement abandonné par l’administration. […] Les délégués du département ont fait un travail formidable, en nous demandant quasiment tous les jours et depuis le début comment on allait, les solutions auxquelles nous pensions pour les examens, afin de les présenter à l’administration. Cette dernière ne les pas écoutés, et donc ne nous a pas écoutés. Et ça, ça fait très mal. »
« Certains profs […] font comme si la situation était normale et le travail devait se poursuivre coûte que coûte. »
« Ça n’est pas comme […] un choix personnel de faire une retraite pour travailler paisiblement »
« J’ai réellement peur pour la culture après le covid-19, pour tous les gens qui seront abandonnés par l’État qui ne fera certainement pas du cas par cas, pour tout ce qui va changer dans notre rapport entre les uns et les autres, et pour cette récession économique qui va nous écraser si nous ne la contestons pas en profondeur. »
« Comment ne pas s’angoisser de notre avenir financier quand tous nos moyens de gagner quelques sous sont réduits à néant ? »
« Pour moi ce qui est difficile, c’est l’absence d’interactions sociales et l’idée affolante qu’on ne pourra pas rejouer en orchestre avant longtemps. »
« Cette année est la dernière que je fais au CNSMDP mais aussi ma dernière année d’études. Au deuil de la vie étudiante s’ajoute l’angoisse constante de cette fin d’année si particulière »
« Ce que j’en retiens c’est une injonction à la productivité et surtout à la créativité. Ne serait-ce pas le moment d’imaginer un travail plus autonome pour les danseur.ses, de s’affranchir un peu plus du modèle du professeur tout puissant qui a tout à nous apprendre ? Ne serait-il pas temps d’engager de vrais dialogues, de professeur à élève, de vraies discussions concernant les propositions pour cette fin d’année où l’avis des élèves serait vraiment pris en compte ? »
« C’est une situation comme celle-là qui me fait prendre la mesure de l’importance du collectif, de la communauté musicale, de l’esprit étudiant au conservatoire qui nous porte et nous fait progresser… »
« J’ai l’impression de perdre totalement pied, et me raccroche à ce que je peux faire pour aider les étudiant.e.s autour de moi, et rire »