Ce confinement prend des allures de « fête de la culture » : il y a une offre artistique et culturelle en ligne qui a redoublé, et l’on est tenu d’ingurgiter, chaque jour, une bonne dose de « culture ». Au fond c’est super d’être confiné : c’est l’occasion rêvée de regarder des ballets, des opéras, de visiter des musées à distance. Alors, bien sûr, on se réjouit de l’offre artistique et culturelle qui est maintenue, mais il plane derrière tout ça un gros mensonge : l’idée que la gratuité garantirait l’accès à tous. Parce que, pour l’immense majorité des gens, le confinement n’est pas une grande récréation qui libère du temps pour l’introspection. Il y a ceux et celles qui télétravaillent, parfois tout en assurant la tenue du foyer, de l’école à la maison, de la gestion des courses, de l’espace, du temps. Il y a aussi de grandes angoisses pour le futur : quand on était privé d’emploi avant le confinement, on peut légitimement être inquiet pour la reprise. Il y a de la misère, pure et simple, et l’incapacité bête et méchante de se nourrir. Il y a la sordide recrudescence des violences conjugales. Et tout cela est sans compter que beaucoup de travailleur·euse·s ne sont pas confiné·e·s ! On pense évidemment aux soignant·e·s, aux employé·e·s des supermarchés, mais aussi aux travailleur·euse·s des transports (RATP, SNCF), qui ont souvent découvert qu’ils ou elles ne faisaient pas rouler des trains que pour les choses essentielles comme les médicaments, mais bien aussi pour faire tourner les profits : voitures neuves, biens de consommation, il faut que ça roule ! Dans certaines usines (PSA, …) le travail ne s’est arrêté que grâce à la mobilisation des travailleur·euse·s sur place, et dans d’autres (comme Airbus), c’est « exploitation as usual ». Ce confinement, qui est bien trop strict pour beaucoup (plus de libertés démocratiques), et bien trop incomplet pour d’autres (mais il faut quand même aller bosser), n’est en réalité qu’un gigantesque effet de loupe sur les inégalités qui traversent notre société. Et, comme d’habitude, la culture n’est pas épargnée. Pas épargnée par les inégalités d’accès à Internet (quand il y a une bonne connexion, il n’y a pas forcément un point d’accès par personne), mais pas épargnée non plus par les rapports de classe qui surdéterminent les rapports à la culture.