Discussion avec deux conducteurs de la ligne 5
La Crécelle : Je serais curieuse d’avoir vos impressions de la soirée de soutien.
Franck : Déjà c’était un beau geste, une belle soirée, très agréable. Ça nous a bien remotivés.
Philippe : Tous ceux qui étaient présents étaient reconnaissants, très contents, tous ont passé une très belle soirée. (…) En plus de l’aide financière que vous avez apportée et qui était géniale, ça a permis de remonter le moral à beaucoup de personnes, ça a permis de faire beaucoup de liens, parce que malgré tout il y a plein de gens qu’on ne voyait plus et qui sont revenus après.
L.C. : Qu’est-ce que vous avez pensé de la musique ?
F : Au début, on a découvert des trucs parce que moi je suis pas très sorties culturelles, donc j’ai découvert plein de choses. La seule fois où j’avais vu un spectacle d’impro c’était sur Arte et j’étais tombé par hasard dessus. C’était étonnant, intéressant.
P : On a été surpris au départ, mais c’était pas du tout inintéressant au contraire, pourtant on était néophytes et on aurait pu penser que ça n’allait pas nous intéresser, mais pas du tout. Autant les danseurs que les musiciens. Les danseurs ont su s’adapter à une si petite place c’était génial. Les percussions derrière eux c’était tout simplement formidable. C’est vrai que c’est pas de la musique que nous on entend forcément, on n’est pas très musique contemporaine. On s’y est plus retrouvés sur le reste, toute la partie jazz, irlandaise, et brésilienne sur la fin, c’était génial.
F. : Il y avait des belles performances, Marie m’a aussi beaucoup surpris. Tu la vois, tu l’imagines pas chanter comme ça.
L.C. : Vous aviez déjà entendu du chant lyrique comme ça ?
F : Jamais !
P : Moi jamais, j’en ai vu quelques fois à la télé. Habituellement c’est pas forcément mon truc, mais quand tu prends le temps de t’y intéresser, c’était super. Elle a quand même une belle voix. On a été impressionnés pas par les textes mais surtout par la performance. Pour vous c’est plus simple, parce que c’est votre domaine en fait. Nous ça l’est pas du tout. Quand on en entend, je peux pas dire que ça nous parle, mais ça agit tout de suite sur nos émotions.
L.C. : On a tous des domaines dont on est plus ou moins proches en culture, moi il y a des choses qui me sont lointaines aussi. Personne n’a accès à tout, et ce qui était important pour moi et je pense pour les autres c’était de ne pas créer de hiérarchie entre les genres. Le côté élitiste des chefs-d’oeuvre au-dessus de la musique commune que tout le monde écoute, moi j’ai pas du tout envie de m’inscrire là-dedans, au contraire, le but est plutôt de faire découvrir et partager sans dévaloriser le reste.
P : Après je vais reparler de la première partie, les danseurs avec les percussions, le drone. Ça, ça a été de l’ouverture, parce que c’est des choses que nous ne connaissions pas. Forcément il a fallu qu’on s’y intéresse, alors que la performance de Marie nous a tous touchés parce qu’on aime tous les belles voix.
F : Tu peux pas être insensible quand t’es face à la personne, à la télé c’est différent. Sur le début, j’ai eu une réaction un peu partagée, je dois dire, je savais pas si ça se faisait, mais j’avais envie de rigoler. C’est de l’impro…
P : Oui mais tu réagis comme ça souvent quand c’est de la nouveauté, quand t’assistes à une chose qui est originale, tu peux avoir tendance au début à avoir des rictus, parce que t’es pas habitué à ça. Et après vous êtes arrivés, et c’était le côté festif qui a tout lancé.
L.C. : J’ai eu un ressenti un peu partagé par rapport notamment à la fin où j’ai voulu danser avec les conducteurs et que j’ai eu du mal à vous faire danser. J’ai dansé avec un seul de vos collègues.
P : Il en parle encore !
L.C. : Mais j’ai eu l’impression que malgré nous on vous mettait dans une position pas très confortable, que ce soit dans la première partie, où tu sais pas comment réagir, alors que pour ma part ce je voulais que vous vous sentiez libres de réagir comme vous aviez envie, de participer, et pour le côté danse vous aviez l’impression que ce n’était pas pour vous. J’avais l’impression que d’une certaine manière on vous a pas assez proposé de vous joindre à nous et mis à l’aise.
P : Non, c’est vrai qu’on n’est pas des danseurs,
F : Moi je suis pas danseur du tout. Et puis il y avait tous les collègues aussi, que tu vois toute la vie.
P : Pour ma part, j’ai pas forcément accepté, parce que c’est des mouvements que je connais pas, et je suis comme tous les hommes, quand je connais pas j’ose pas… J’ai trouvé ça génial malgré tout.
F : Mais c’était super entraînant même si tu danses pas. On se faisait emporter par la musique, c’était génial. (…) C’est dans ces moments là que tu regrettes de pas savoir danser.
L.C. : Est-ce que ça vous voyez différemment le conservatoire après cette soirée, l’organisation du concert, la visite du conservatoire?
P : C’est pas le conservatoire, c’est les gens qui sont dedans. On s’imaginait pas grand chose. Nous, en tous cas on vous voit souvent, tous les soirs sur les quais.
F : C’est pas représentatif quand on se croise sur un quai de métro.
P : On a été très surpris de votre démarche, de vous rencontrer c’était super. Maintenant le conservatoire, c’est vrai qu’il faudrait qu’on en fasse partie pour avoir un plus gros aperçu. Simplement on a rencontré des personnes très humaines, et je pensais pas que quand on faisait des études comme les vôtres qui sont très élitistes, je pensais pas qu’il y avait autant de gentillesse. J’ai été très surpris par ça. Évidemment on vous a pas tous rencontrés, j’imagine que vous êtes pas tous pareils, mais ravi de vous connaître.
L.C. : L’argent qu’on a récolté [3 000 euros de cagnotte], ça représentait quoi pour vous ?
F : On n’aurait jamais pu récolter ça dans une seule soirée.
P : Après forcément, c’est toute raison gardée, on est quasiment 300 conducteurs sur la ligne 5.… Mais le geste c’est ce qui est le plus important. Même sans ça à la fin, on aurait été aussi reconnaissants, humainement c’était génial, et il faudrait effectivement que ça continue, et qu’on reste en contact. En plus, pendant tout le concert les gens venaient même nous parler et nous féliciter, nous demander de continuer notre grève. C’était génial.
L.C. : Il faudrait qu’on ait un rendez-vous mensuel.
P : Mensuel ? Mais plutôt toutes les semaines, oui !