Le département danse et la nudité : homme ou femme, une pruderie à géométrie variable

Dans la danse contemporaine, la nudité est courante. Depuis ses premières apparitions occidentales attestées dans les années 1920 (elle a certainement eu une longue préhistoire), elle s’est développée et est aujourd’hui devenue un costume presque comme un autre. Elle est d’ailleurs au centre du travail de nombreux chorégraphes, comme Zoé De Sousa, invitée à faire un atelier chorégraphique avec les étudiants en avril dernier. Elle a dû se confronter à la pudibonderie de la direction du département. Car il n’était absolument pas question de laisser travailler avec le nu, bien qu’il aurait concerné, bien sûr, des élèves majeurs et volontaires. Ces derniers ont d’ailleurs soutenu la chorégraphe et ont protesté contre cette censure. Pour leur plus grand dépit, le compromis concédé fut encore plus ridicule que l’interdit initial : le torse nu fut toléré… seulement aux hommes ! Ainsi, le vieux préjugé comme quoi la poitrine des femmes serait érotique, ou indécente, et la poitrine des hommes acceptable, a droit de cité dans le département danse contemporaine du Conservatoire de Paris. Une fois le spectacle – convenablement vêtu – passé, des étudiants ont voulu poser sereinement le débat avec la direction du département. En vain : pour eux, le sujet était clos. Pas pour nous !

On peut entendre l’argument que la nudité, et l’érotisme que celle-ci peut suggérer pourraient attirer aux représentations certains regards – on a peur que certains viennent au spectacle pour « se rincer l’œil ». Quoique l’érotisme, force formidable qui rapproche les humains par-delà les frontières qu’ils peuvent tracer entre eux, et qui a dans les arts une présence multimillénaire, peut être pourquoi pas, une porte d’entrée vers la danse. Mais nous sommes affligés que cet argument prévale sur celui de la liberté artistique des artistes invités et des étudiants. Étudiants, professeurs, et même le chef du département, vont voir des artistes danser nu, et dansent eux-mêmes nus au-delà des portes du conservatoire. Mais dans les murs, une vieille hypocrisie poussiéreuse, ou une peur du qu’en-dira-t-on, pousse à coller partout des feuilles de vigne. C’est triste, car nous étudiants aspirons à expérimenter librement l’art avec les mêmes questions et les mêmes enjeux qu’à l’extérieur du conservatoire. Espérons que la venue de Tatiana Julien, actuellement en création avec les élèves, et qui travaille elle aussi avec le nu, relancera un débat nécessaire !

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